Il y a quelques décennies, parents et enseignant étaient très complices pour le bien de l’enfant.
Il était fréquent de voir dans les salles de cours les instituteurs avec une règle à la main. Et les élèves immobiles, les bras croisés qui s’attendent toujours au pire.
Ils étaient conscients que leurs parents n’allaient pas les défendre quand ils seraient convoqués par le professeur.
Bien au contraire, les géniteurs n’avaient qu’une seule phrase pour ce dernier :
«Vous le tuez, et nous on le scalpe».
أنت ادبح وأنا نسلخ
Aujourd’hui, les choses ont beaucoup changé. La formule qui reflète ce que pensent bon nombre de parents de nos jours est :
«Mon fils est le meilleur, s’il ne réussit pas, c’est que son instituteur est nul».
Plus de détails avec La pédopsychiatre Docteur Houda Hjiej
Question1
Les parents acceptent de moins en moins les critiques des enseignants à l’endroit de leurs enfants, comment peut-on expliquer cela ?
Réponse :
D’un point de vue psychologique, il est connu que l’enfant est vécu généralement par son parent comme le prolongement narcissique de celui-ci.
Les parents ont souvent du mal à accepter les critiques venant des enseignants, car ils ont le sentiment que ces critiques sont dirigées et adressées à leur personne ou à l’enfant qu’ils ont été.
Elles viennent aussi les ébranler dans leur processus de parentalité et remettre en question leur «réussite» en tant que parents.
Cette situation de convocation de l’école pour parler des difficultés de l’enfant est souvent vécue sur un mode culpabilisant par les parents.
Question2
Certains parents ne vont jamais voir les enseignants de leurs enfants. Quel impact peut avoir cette situation sur la scolarité de l’enfant ?
Au-delà des raisons purement psychologiques que je viens de citer, il existe d’autres raisons qui peuvent faire que les parents n’aillent pas demander des nouvelles.
Parmi celles-ci on note le manque de confiance qui existe parfois entre l’école et les parents, notamment pour les parents d’enfants en difficulté qui ont peur que leurs enfants ne soient exclues.
D’autres parents ne demandent pas de nouvelles par manque d’investissement dans la scolarité de leurs enfants, ou par difficulté personnelle à aller rencontrer les autres, notamment des étrangers.
Quelles que soient les raisons empêchant un parent de créer un lien avec le milieu scolaire de l’enfant, ceci est généralement ressenti par l’enfant, ce qui peut impacter son propre investissement en milieu scolaire et sa scolarité en général.
La réaction des enseignants peut aussi varier en fonction du lien établi ou pas avec les parents, notamment quand on est face à des enfants en difficulté.
Certains enfants sont plus autonomes que d’autres et vont alors être indifférents au fait que les parents se renseignent ou pas d’eux à l’école.
Dans un mouvement de fierté ou pour signifier qu’ils sont grands, certains enfants vont carrément refuser que leurs parents aient un lien direct avec leurs enseignants.
Question3
D’autres parents sont au contraire trop présents à l’école, voire étouffants, croyez-vous que ce soit une bonne chose ?
La place des parents n’est pas à l’école de leur enfant, sauf quand ils y sont invités ou lorsqu’il y a une inquiétude justifiant leur présence.
Une présence excessive peut témoigner d’une angoisse démesurée des parents, d’une méfiance ou d’un manque de confiance de ceux-ci dans le milieu scolaire de leurs enfants.
Question4
Comment pouvez-vous décrire une relation idéale et équilibrée entre les parents et les enseignants de leurs enfants ?
Le rapport idéal serait une relation structurée où les règles sont fixées d’avance, afin de permettre qu’il s’établisse un lien de confiance entre les parents et l’école.
Les parents doivent savoir qu’ils ont toujours une possibilité d’entrer en contact avec l’enseignant, mais que c’est ce dernier qui établit les modalités (horaire, lieu… ).
L’enseignant doit pouvoir aussi établir un contact avec les parents quand cela lui parait nécessaire selon les besoins de l’enfant.
Ce contact doit être formalisé de préférence en présence d’un responsable éducatif ou du directeur de l’établissement.
Ce qui régit globalement cette relation est la confiance des parents dans l’institution, ceci va impacter directement les réactions des parents et leur attitude.
Pour les parents plutôt passifs, l’organisation de rencontres autour de thèmes généraux qui s’adressent à tous les parents peut faciliter l’accès de certains parents à l’école et favoriser l’échange avec le milieu scolaire.
Témoignage de madame Hasnâa, 32 ans, maman de Jad, 7 ans
«La maîtresse de mon fils m’énerve»
«Je m’inquiète pour mon fils, car depuis le début de l’année scolaire, il rencontre beaucoup de problèmes avec sa professeur d’arabe.
Jad est d’un naturel timide et discret. Même si à la maison il parle beaucoup et bouge dans tous les sens, quand il se retrouve face à des personnes qu’il ne connaît pas, il se montre plus calme et plus attentif, et c’est ce qui lui arrive en classe.
Mais cela ne lui a jamais causé de problèmes scolaires les années précédentes.
Cette année, je crois que sa maîtresse n’apprécie pas beaucoup le fait qu’il soit un peu renfermé, mais moi je pense qu’elle exagère.
Le pauvre me dit qu’elle crie beaucoup et l’intimide devant ses camarades.
Elle le traite de “nul” quand il commet des erreurs. Elle lui interdit d’aller aux toilettes, sauf à la récréation.
Pire encore, il lui arrive de le priver de récré quand il ne finit pas ses exercices.
Quand je suis allée la voir pour qu’elle m’explique pourquoi elle se comportait ainsi avec mon enfant, elle m’a dit que si elle le punit c’est tout simplement pour son bien, pour qu’il progresse.
Mais je suis totalement contre sa façon d’éduquer. C’est d’ailleurs mon rôle et pas le sien. Si elle ne change pas d’attitude, je crois que je vais devoir le changer de classe ou bien carrément d’école. L’essentiel pour moi, c’est son bien-être».
D’après le site: lematin.ma