Les écoles des missions éducatives étrangères ont plus que jamais la cote au Maroc.
Pour les parents, un moyen d’assurer une scolarité de qualité à leurs enfants et d’affcher l’ultime signe extérieur de réussite…..(Lire la suite)
Kawtar est la jeune maman d’une fillette de 3 ans et elle ne sait plus où donner de la tête. Du 15 mars au 15 avril, c’est la saison des inscriptions aux écoles relevant de la mission française. Alors que tous les parents désireux de placer leurs enfants dans une école appartenant au réseau d’enseignement français se ruent devant les écoles et services dédiés de l’ambassade, elle hésite encore entre cet enseignement et la panoplie d’offres émanant d’autres missions. « Entre les choix pédagogiques et les frais de scolarité, chacune présente des avantages mais aussi des inconvénients. Une chose est sûre, c’est dans un établissement étranger que j’ai envie de placer mon enfant », dit-elle.
Le phénomène est loin d’être nouveau. Mais chaque année, ils sont de plus en plus nombreux à opter pour la « mission ». Et dans le sens le plus large. Si la mission française, par son réseau mais aussi par sa pédagogie, continue de remporter un franc succès, d’autres la talonnent de près. C’est le cas notamment pour les écoles espagnoles et américaines. Dans les classes moyennes et plus, on ne jure que par elles. Et pour cause, « pour certains, c’est le must des signes d’ascension sociale. Pour d’autres, la garantie d’une éducation de qualité et, donc, de perspectives d’avenir prometteuses. L’une comme l’autre raison se confondent souvent et expliquent tout le stress vécu par les familles au moment des tests », nous explique le psychosociologue Mohcine Benzakour.
Un enfant sur dix réussit
Mais aux frais importants qui engagent les parents tout au long de la scolarité s’ajoute une véritable épreuve, sans doute la première pour les enfants et l’une des plus cruciales pour les parents : le test-concours organisé ?n mai.
Prise très au sérieux, cette sélection est vécue comme un examen auquel on se prépare à coups de cours particuliers, bachotage… au grand bonheur de certaines maternelles qui en ont fait une spécialité. « J’ai commencé par des cours à domicile, mais face à toute la demande, le bouche-à-oreille aidant, j’ai décidé d’ouvrir une école dédiée. Ce que nous proposons aujourd’hui, ce n’est pas seulement des cours de préparation à la mission française, mais aussi espagnole et américaine. Et je peux vous dire que nous avons déjà un grand succès », af?rme la directrice de l’école l’Univers Leylia à Rabat. C’est dire que la demande est conséquente.
Au ?nal, seul un enfant sur dix « réussira ». Les candidats ne peuvent passer qu’une seule fois un test-concours pour un niveau donné. Cela n’empêche pas les parents de retenter « leur » chance, en présentant leurs enfants l’année suivante pour le niveau supérieur. D’autres choisissent des moyens plus radicaux, comme scolariser leurs enfants pendant deux ans en France, condition d’un accès « de droit » à la mission une fois de retour.
La faillite du public
Pourquoi tout cela ? « Dans un contexte social en pleine mutation et face à la faillite de l’enseignement public, la mission est devenue une réaction naturelle, histoire de sauter une génération d’enseignement qui ne promet rien de bon mais aussi de compléter le package de la vie en mode chic et cher pour certaines familles », dit Ghita El Khayat, psychologue.
Reste qu’au moment où les discours et les actions sont toujours otages des impératifs de la généralisation de l’accès à l’école, la réputation des missions éducatives étrangères est installée… depuis plusieurs décennies. Quand nos écoles luttent (encore) contre l’abandon scolaire, celles relevant des ambassades des États-Unis, de France, d’Espagne et d’Italie rivalisent quant au taux de réussite au bac qui atteint pour la plupart les 95%. Alors que 80% des élèves de la 4e année du primaire ne comprennent pas ce qu’on leur enseigne à l’école publique (1), leurs « camarades » des missions parlent déjà deux à trois langues.
Quand nos enseignants rechignent à partir dans la montagne, ceux de nos pays amis n’hésitent pas à s’expatrier. Et au moment où près de 9 000 salles d’écoles marocaines sont déclarées insalubres, les écoles, collèges et lycées des missions se restructurent, s’élargissent et se développent. « Cela étant, il n’est pas sûr que l’enseignement prodigué soit de la qualité prétendue. Nous avons des cadres marocains, formés à l’école marocaine, qui sont d’une excellente qualité. Le bien-fondé de la mission n’est pas toujours évident », nuance Ghita El Khayat.
Quid du risque d’aliénation d’élèves formés selon des normes occidentales ? « Cela est totalement faux et dénote d’un sentiment de xénophobie. L’identité d’un enfant émane d’abord de sa famille. Et ce que l’école lui apprend, c’est un sens de l’ouverture. Ce que font les écoles étrangères au Maroc dans la mesure où elles en ont les moyens », conclut la psychologue.
Tarik Qattab
(1) Chiffre publié dans le cadre d’une étude préalable au lancement du programme « Éducation pour tous », initié par le ministère de l’Éducation nationale.